Du 13 décembre 2025 au 20 avril 2026, le Palais idéal du facteur Cheval, à Hauterives, présente l’exposition PARADE
Messager entre ciel et terre, la figure de l’oiseau traverse les œuvres présentées, tantôt paré des couleurs flamboyantes de la tapisserie, tantôt réduit à l’essence fragile et mystérieuse de ses plumes. PARADE est une invitation à suivre ce vol, à se laisser emporter entre luxuriance et étrangeté, entre jubilation et silence.
Les grandes tapisseries lumineuses de Dom Robert (1907-1997), figure majeure de la tapisserie d’Aubusson, déploient une nature foisonnante où oiseaux, fleurs et feuillages composent des scènes vibrantes, presque musicales. Comme le facteur Cheval, Dom Robert ne semblait pas prédestiné à la reconnaissance artistique : moine bénédictin, il trouva dans la tapisserie un langage pour exalter la nature et l’esprit. Le facteur Cheval, quant à lui, simple postier, édifia pierre après pierre un palais rêvé qui défie le temps. Tous deux ont fait éclore une œuvre inattendue, née de la fidélité à un monde intérieur plus fort que les conventions. Face à elles, les sculptures et bas-reliefs en plumes de Kate MccGwire (née en 1964 dans le Norfolk) convoqunt l’animal d’une tout autre manière. Ses enchevêtrements de plumes, aux textures soyeuses et miroitantes, donnent forme à des créatures énigmatiques, à la fois séduisantes et inquiétantes. Les plumes, détachées de l’oiseau, deviennent matière organique, flux, spirales ou nœuds, rappelant à la fois le corps, l’instinct et le mystère.
Le travail de Kate MccGwire, par la collecte patiente des plumes, leur tri, leur assemblage minutieux, partage avec la tapisserie cette dimension d’endurance et de persévérance. Chaque œuvre
est le fruit d’une répétition infinie de gestes, d’un temps long qui sculpte la matière et la transforme en vision. Ce rapport à la durée, à la patience quasi obstinée, fait écho à l’œuvre du facteur Cheval : la répétition inlassable du geste devient puissance créatrice, une manière de défier l’éphémère pour inscrire le rêve dans la matière.
L’exposition PARADE déploie un univers foisonnant où se mêlent objets insolites et curiosités locales. Parmi elles, un détail surprend et intrigue : pourquoi, en 1900, l’emblème de la fanfare de Hauterives arborait-il deux grands oiseaux, des autruches ? Chaque été, du vivant du Facteur Cheval, cette fanfare venait jouer au Palais idéal et plusieurs indices témoignent aujourd’hui de la proximité entre ses musiciens et le bâtisseur. Sans connaître précisément la nature des liens qui les unissaient, on se plaît à imaginer les cuivres résonner devant les façades baroques du Palais idéal au tout début du XXème siècle, offrant à la construction en devenir un écrin musical singulier.
C’est dans cet esprit que les visiteurs sont invités à entrer dans PARADE en se laissant envelopper par un paysage sonore conçu spécialement par Laurent Paulré (Radio France). Cette création réactive à la fois les chants d’oiseaux chers à Cheval et l’énergie festive d’une parade villageoise, comme un écho rêvé aux concerts de la fanfare d’autrefois. Diffusée depuis un gramophone authentique de 1900, cette composition ouvre l’exposition en mêlant mémoire et imaginaire, et redonne vie à une ambiance disparue tout en invitant chacun à l’habiter à nouveau.
Frédéric Legros commissaire de l’exposition et Directeur du Palais idéal du facteur Cheval.