Toni Grand, morceaux d’une chose possible

Le musée Fabre présente l’exposition « Toni Grand, morceaux d’une chose possible », qui entre en écho avec sa précédente rétrospective consacrée à Germaine Richier pour penser l’articulation de deux moments-clés de la sculpture française.

Rassemblant près de 70 oeuvres – dont certaines monumentales – cette rétrospective entend éclairer l’un des jalons de la sculpture du XXe siècle, peu montré ces dernières années. Bien que la dernière rétrospective d’envergure consacrée à son travail ait eu lieu au musée d’art contemporain de Marseille en 2007, peu de temps après son décès, son œuvre contribue au renouvellement du langage artistique, à travers l’invention de nouvelles formes et l’usage de matériaux jusqu’alors inexploités.

Pensé en quatre sections qui reviennent sur les différents moments de la carrière de l’artiste, le parcours débute par une plongée dans la radicalité de l’œuvre, qui s’exprime par le travail du bois, dans un cheminement proche du mouvement Supports/Surfaces. Les pièces y sont nommées selon le matériau utilisé et l’action opérée sur lui, dans une approche critique qui expose la volonté de donner de nouveaux fondements l’art: soustraites au désir de manipulation, et même à une forme de compréhension, elles entrent ainsi en opposition avec les objets de la consommation courante.

Un deuxième espace est consacré à la résine, qui recouvre le bois ou la pierre comme une seconde peau, et questionne ainsi les frontières du visible et de la dissimulation en rendant les objets méconnaissables. Les expérimentations sont ensuite poussées plus avant, lorsque la résine est associée aux ossements et aux poissons, qui deviennent des matériaux en prise avec le réel, au même titre que les autres. Dans une pratique oscillant entre embaumement et pétrification, Toni Grand échappe à la tentation de toute fixité mémorielle pour garder ouvert le sens de ses oeuvres.

Le parcours s’achève par l’exploration de la couleur, affranchie de sa symbolique séductrice et trompeuse. Dans un refus de laisser le matériau tel quel, l’artiste s’éloigne de la conception de l’art comme imitation de la nature, en revendiquant sa dimension artificielle.